I
Tristesse
est-il possible bonjour, Tristesse d’écrire autrement
que le jour te prononçait sévère
est-il bonsoir, Tristesse juste de prononcer autrement
le mot amour afin qu’il
elle me comprenne bonjour, Tristesse, un peu de politesse
avant de me tordre ma belle tête de Satyre
la nymphe est gravée sur le front de ma guerre
est
morte
le front nu je donne au vent toute vertu j’étais si forte
fais front de mon front nu à mille foules perverties dussé-je
bonsoir, Tristesse quitter la virtualité celle-là même figée
dans l’inadvenu
ces tâches solaires sais-tu que les corbeaux sanctifient riant
de nous petits Sisyphes que nous sommes fondant violant
enchaînant la mort roulant les mots –
oui voilà c’est cela
tu es ma source intarissable
sans compromission-
solaires tâches
qui signaient la reddition de mes mains à l’automne
Tristesse
ta conception
hivernale
de la beauté aphone de sensualité dans mon cri
m’a conçue au profond de ton ventre je voulais juste
trouver
Satyre en moi de biche traquée de brebis perdue un
refuge Tristesse bonsoir, Tristesse et bonne nuit traverse
paisible ton mont de piété tes roseaux de rivière
tes joailliers tes corps multiples étendus à mes flancs
d’angoissée à peine si ta voix mais ta voix m’est si douce
mon refuge des années des heures des pleurs bonjour,
Tristesse fidèle amie ma Persephónê tu veux me refleurir
je suis si enterrée Ô mon mystère d’Éleusis je te suis
libre et je te suis
esclave
puisse un désert t’ensevelir et ma végétation triste
te tendre
sa pluie
d’émeraudes puisse
ma main humaine comme un tracé divin
sans dieux ni hommes puisse –
t-elle lever sinuer sur ton ventre fouillé par l’abondance
d’un passé
ses méandres de panique bonsoir, Tristesse
ou sentir la première flamme à chaque fois comme une
condamnée
je ferme fermement les paupières
ne plus penser ne plus penser juste courir le long
de cette rivière
qui t’emplit
jamais
Ô vieille mendiante que tu fus, Tristesse je rajeunis dans ta
splendeur Tristesse voici les adieux capiteux
de ma démocratie les sillons de ce que j’ai creusé corps et
visage – sans âme
plaqués crevés dans la boue des mystères mais voici
bonjour, Tristesse, que leur sceau se descelle et que je le
transgresse
le
pénètre
ne le
divulgue encore
il est tôt et je ne suis qu’une initiée une semeuse de larmes
métalliques dans les bruissées d’air bleu
bonsoir, Tristesse, et abreuve ta soif de mettre tes mains au
feu
&
Glass Labyrinth II, 1968-1972. From the series ‘Labyrinths’, 29 x 23 cm. Courtesy PPF Art a.s., PPF Group’s collection of Czechoslovak and Czech photographs, Prague, Czech Republic